Une crise sanglante, qui peut être mortelle pour notre civilisation, secoue le monde entier.
Nous en avons suivi le développement, non pas en malade qui, dans sa souffrance et la fièvre, gémit sur son lit de douleur et s'irrite contre le coup imprévu qui l'a terrassé, mais en médecin qui, de sang-froid, armé de son stéthoscope, cherche à découvrir les causes profondes du mal qu'il veut guérir.
Nous pouvons maintenant tenter un diagnostic, et essuyer de prévoir l'évolution de la maladie.
En un quart de siècle, notre génération a vu deux guerres mondiales. Dans la première, l'ancien Reich se proposait de conquérir sa « place au soleil ». Il voulait s'assurer, comme les autres, des zones de débouchés, des « chasses gardées » réservées à son industrie en plein développement. Ses concurrents, déjà trop à l'étroit, voulaient l'en empêcher. Ce fut une guerre impérialiste, comme tant d'autres.
Vaincu, il ne lui restait que la ruine et la défaite, avec un lointain espoir de revanche, qui n’intéressait que lui.
La seconde est tout autre chose. Précipitée en plein essor de redressement, dans une crise économique dont elle n'était point responsable, la vieille Allemagne, en dix ans d'efforts s'est donné, sous la pression de la misère, une structure nouvelle.
Elle a donné aux mots : Travail, Salaire, Monnaie, Capital un sens et une valeur imprévus; elle a construit sur ces données des institutions qui lui ont assuré une force et un élan, et une résistance inconnus de ses adversaires libéraux ou communistes associés. Et voici que les Anglo-Saxons eux-mêmes, en pleine bataille, sont amenés à promettre à leurs peuples des changements dans leur propre structures. Dès lors, la lutte, dont nous sommes exclus, prend un autre intérêt, et une autre portée.
Il ne s'agit non plus de la lutte de deux peuples ayant même régime, mais d'un combat entre deux régimes opposés. L'enjeu c'est un changement profond, non dans l'Équilibre des Puissances, mais dans la constitution et la manière de travailler de tous les hommes et de toutes les nations aux prises.
Son importance est si grande qu'elle dépasse les belligérants et peut échapper au sort des armes; et que la victoire (toujours précaire) des canons, peut retarder sa marche sans l'arrêter.

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