Le chemin de la barbarie passe à sept ou huit mille mètres de hauteur quelque part dans le ciel de Lorient, de Brest, de Paris ou d’Anvers. L’homme ne monte si haut que pour retourner à la bête.
« C’est la guerre », il paraît ! Il est possible qu’on ne puisse, en 1943, faire la guerre autrement et la concevoir moins laide ; alors, il faut convenir avec le reste de loyauté qu’elle n’a pas encore retiré de la circulation, qu’elle nous ramène tout droit à la barbarie la plus dégradante.
Il faut savoir si « c’est la guerre » que cet arrosage au petit bonheur de 7 à 8 000 mètres de haut, des rives de la Seine du pont de Suresnes au viaduc d’Auteuil, dans la journée et à l’heure où sont réunies au maximum les chances de faire souffrir les plus innocents ? Sur ce parcours bien parisien, il y a tout de même un peu plus de promenades, de stades, d’hippodromes que d’usines ; et si celles-ci étaient vides le dimanche 4 avril, les autres étaient remplis de promeneurs paisibles.
Il faut savoir si « c’est la guerre », de mettre dans le même sac, machines-outils et voitures d’enfants, gares et écoles, casernes et hôpitaux, et de taper dessus à tour de bras ; d’un bras aveugle, de sept mille mètres de long, qui est tout à fait sûr de cogner dans de la bouillie de nourrissons, de gamins et de malades ?
Si c’est bien ça la guerre, et s’il est bien de faire ainsi, alors il n’est plus rien de défendu. Après cet « exemple » tombé de si haut, il ne peut plus passer sur le monde qu’une immense vague d’immoralité.
Péchés mortels ou véniels, attentats ou peccadilles, tout est absous.
A tous les échelons du meurtre, du vol, de la corruption, de l’imposture, de l’impolitesse, tout devient permis ; du grand au petit tout fait la chaîne [...]. A semer la bestialité, on récolte le vice et le meurtre.
On nous assure qu’à coups d’ailes des « Liberator » et à coups de rames des « Liberty » nous prenons le chemin de la Liberté. Ce n’est pas vrai, nous sommes sur la route de la barbarie.

Jean Fabry, Le chemin de la barbarie, dans Gringoire, 30 avril 1943, p. 3
« [...] Frédéric II Hohenstaufen, sorte de surdoué, très tôt orphelin de père et de mère, virtuose des techniques de combat, intellectuel formé à toutes les disciplines, doté de la bosse des langues vivantes et mortes, se …verra refuser d’abord la dignité impériale par l’autocrate Innocent III : « C’est au Guelfe que revient la Couronne car aucun Pape ne peut aimer un Staufer ! » Ce que le Pape craint par-dessus tout c’est l’union des Deux-Siciles (Italie du Sud) et l’Empire germano-italien, union qui coincerait les États pontificaux entre deux entités géopolitiques dominées par une seule autorité. Frédéric II a d’autres plans, avant même de devenir Empereur : au départ de la Sicile, reconstituer, avec l’appui d’une chevalerie allemande, espagnole et normande, l’œcumène romano-méditerranéen.