Chacun sait quel rôle joue le sexe à notre époque, au point qu'on pourrait parler, aujourd'hui, d'une espèce d'obsession sexuelle. Jamais comme aujourd'hui, le sexe et la femme n'ont été mis au premier plan. Sous mille formes, la femme et le sexe dominent dans la littérature, le théâtre, le cinéma, la publicité, dans toutes la vie pratique contemporaine. Sous mille formes, la femme est exhibée pour attirer et intoxiquer sexuellement, sans cesse, l'homme. Le strip-tease, la mode américaine de la fille qui, sur scène, se déshabille progressivement, ôtant l'un après l'autre ses dessous les plus intimes, jusqu'au minimum nécessaire pour maintenir chez les spectateurs la tension propre à ce « complexe d'attente », ou état de suspense, que la nudité immédiate, complète et effrontée détruirait ─ cela a une valeur de symbole qui résume tout ce qui, dans les dernières décennies de la civilisation occidentale, s'est développé, dans tous les domaines, sous le signe du sexe. On a bien sûr utilisé les ressources de la technique. Les types féminins plus particulièrement fascinants et excitants ne sont plus seulement connus, comme autrefois, dans les zones restreintes des pays où ils vivent ou bien se trouvent. Soigneusement sélectionnées et mises en relief à tout prix, à travers le cinéma, les revues, la télévision, les magazines illustrés et ainsi de suite, actrices, « étoiles » et misses deviennent les foyers d'un érotisme dont le rayon d'action est international et intercontinental, de même que leur sphère d'influence est collective, n'épargnant plus les couches sociales qui vivaient, en d'autres temps, à l'intérieur des limites d'une sexualité normale et anodine.
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Julius Evola : « Le sexe dans le monde moderne »
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Luc-Olivier d'Algange : « Discours contre l'uniformisation des êtres et des choses »
Longtemps les formes furent honorées en ce qui les différenciaient les unes des autres. Les hommes trouvaient un bonheur à la fois sensuel et intellectuel à rendre hommage à ce qui se distingue. La diversité et la variation plaisaient à leurs regards. Par une attention et des attentions dévouées, ils aimaient à servir ce qui leur donnait à penser des nuances, la polyphonie, le versicolore, la multiplicité des styles, des genres et des états de conscience et d'être. Les Yézidis, par exemple, depuis des temps antérieurs au monothéisme, adoraient l'Ange-Paon, le messager qui diffracte et déploie en couleurs la lumière primordiale, et leur fidélité dans cette adoration leur vaut aujourd’hui, avec et après tant d'autres, d'être l'objet du ressentiment le plus vil et de la haine la plus obscure.
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Luc-Olivier d'Algange : « Le regard attentif »
Reprenons, si vous voulez bien, ces quelques phrases extraites de L’Ombre de Venise : « Il y eut des paysages où les âmes reconnurent d’autres cieux. Ces âmes sont inscrites dans les paysages. Elles y demeurent en signes et en sceaux que les regards attentifs reconnaissent et savent déchiffrer ».
Quelles sont les sources de cette connaissance et de ce savoir que possède le regard attentif ? N’est-ce pas là, dans le processus de dessillement et d’illumination du regard, que l’œuvre d’art a un rôle initiatique et épiphanique ?
Le regard attentif opère à une subversion du temps. À cet égard, et comme toujours, l’étymologie est bonne conseillère qui nous dit cette attente, cette attention, qui hausse la température du temps, le porte à incandescence et en brûle les écorces mortes... L’attention enflamme, elle s’approche du buisson ardent du sens pour en recevoir les messages. L’attention aiguise, elle délivre… Le drame de notre époque est cette indifférence morose, cette acrimonie à l’égard des êtres et des choses, cette crainte devant la tragédie et la joie qui claquemure les hommes dans leurs résidences sécurisées, au propre comme au figuré. Cette servitude volontaire nous éloigne des épiphanies et des resplendissements de l’âme du monde, de la vérité des paysages et des pays. Une sapience semble s’être perdue, et plus que perdue, refusée. L’odieux du monde moderne est qu’il se veut moderne et nous livre ainsi au kitch effrayant de ses ressassements moroses, de sa muséologie mortuaire.Catégories : Culture, Europe, Métaphysique, Modernité, Nihilisme, Philosophie, Poésie, Subversion, Tradition 0 commentaire -
Libre Journal des enjeux actuels : “René Guénon et la crise du monde moderne”
Arnaud Guyot-Jeannin recevait Françoise Bonardel, professeur émérite à l'Université Paris-Sorbonne, David Bisson, historien, Pierre-Marie Sigaud, directeur de collection aux éditions l'Harmattan et Jean Borella, professeur agrégé de l'université, sur le thème : « René Guénon et la crise du monde moderne ».
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Valérien Cantelmo : « L’ineffable beauté de notre combat »
Cela n’est plus un secret pour personne, en tout cas plus pour le nombre non-négligeable d’esprits dont la conscience s’est éveillée face à l’affligeant et pitoyable spectacle de la réalité quotidienne : le processus de déréliction complète de nos sociétés occidentales a désormais atteint un niveau qu’il était difficile d’envisager il y a quelques années encore. A tel point que l’atmosphère de fin de cycle annoncée par les apôtres du Kali Yuga se fait de plus en plus prégnante. Pourtant, l’effondrement final du système capitaliste prédit par Marx, l’apocalypse palingénésique qui devra inaugurer pour l’Europe une nouvelle ère de grandeur et de rayonnement par ce que Bernanos a pu appeler « la restauration universelle de l’esprit, par la plus grande révolution de tous les temps. » (Carrefour, 14 septembre 1945) ont été annoncés depuis des décennies. Si d’une certaine manière, on peut se réjouir, ou du moins faire preuve d’une indifférence stoïque vis-à-vis de chaque nouvelle étape d’involution civilisationnelle (reprenant ainsi la position d’Evola dans Chevaucher le Tigre qui démontre l’inanité d’une opposition ─ matérielle ─ à la divine loi cyclique de la décadence), jamais nous ne devons oublier la signification première de notre combat, nous qui, de par notre position de recul, avons une responsabilité historique face aux événements à venir. En effet, le probable effondrement prochain (par « prochain » nous entendons dans les décennies à venir) du monde tel que nous le connaissons et la période indéterminée de chaos qui doit suivre ne pourra aboutir à quelque chose de positif qu’à condition que quelques « îlots spirituels » soient préservés et servent de terreau à une reconstruction saine et pure de la civilisation européenne. Ainsi, ni l’accélération du processus de dégénérescence de nos sociétés, ni les conséquences que ce processus peut avoir sur le nombre de personnes rejoignant la « dissidence » (gardant à l’esprit l’éternelle dialectique qualité/quantité) ne doivent nous faire perdre de vue l’essentiel : le sens profond de notre combat et l’intransigeance avec laquelle nous devons le mener.
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Françoise Bonardel : « La crise de l'identité culturelle européenne »
Déjà en soi difficile à définir, l'identité culturelle propre à l'Europe est aujourd'hui battue en brèche par un multiculturalisme de confection récente dont la richesse supposée, issue de sa seule diversité, masque tant bien que mal la déculturation massive imposée par l'existence désormais planétaire d'un courant unique et dominant (mainstream), fabriqué pour être influent mais sans plus aucun rapport avec la formation de l'être humain (Bildung) nommée en Europe « culture » ─ et sans davantage de rapport, il faut préciser, avec l'héritage que les cultures non européennes demeurées « traditionnelles » entendent elles aussi préserver. Aussi nombres des questions relative à cette identité problématique risquent-elles de rester pour l'heure sans réponses claires et précises, rassurantes au regard de l'inquiétude légitime que peut susciter l'état actuel de l'Europe, durablement marquée par les deux guerres mondiales dont elle a été l'épicentre, et depuis lors minée par une défiance envers soi-même allant parfois jusqu'au reniement. On a le sentiment qu'à force de s'entendre dire qu'elle est « vieille », l'Europe a fini par y croire et par se comporter comme telle : « C'est une absence de sol abyssale [...] qui a pris possession des Européens, une absence qui s'exprime dans l'obsession de faire bonne figure en chute libre et de maintenir, avant une fin que l'on ressent comme imminente, l'apparence de la belle vie », constate Peter Sloterdijk. Devrait-on dès lors considérer qu'un film aussi dérangeant que celui de Lars von Trier, Europa (1991), est révélateur du profond malaise né dans l'immédiat après-guerre, et qu'éprouveraient plus que jamais les Européens sans être pour autant capables d'en cerner les contours et d'en identifier clairement les causes ?
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Yukio Mishima, la plume et le sabre
Si Yukio Mishima demeure une figure incontournable de la littérature japonaise et au-delà, c’est sans doute parce qu’il a su se tisser un costume parfaitement ajusté de samouraï. L’écrivain a rejeté la mécanisation et la modernisation du Japon jusqu’à la mort. Il incarne l’esprit de sacrifice au service d’une esthétique séculaire et d’un nationalisme enraciné dans les ruines fumantes du Japon impérial.
Le 25 novembre 1970, après avoir remis le manuscrit de sa tétralogie à son éditeur, La Mer de fertilité, et son quatrième volet L’Ange en décomposition (traduction quelque peu maladroite d’après Marguerite Yourcenar qui suggère « l’ange pourri »), Mishima se rend au ministère des Armées accompagné de trois de ses disciples. Il prend en otage le général commandant en chef des forces d’autodéfense et fait convoquer les troupes. Il y tient un discours en faveur du Japon traditionnel et de l’empereur Hirohito. Très vite, il est obligé de renoncer devant la réaction hostile des soldats.