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Valérien Cantelmo : « L’ineffable beauté de notre combat »

1468145230.jpgCela n’est plus un secret pour personne, en tout cas plus pour le nombre non-négligeable d’esprits dont la conscience s’est éveillée face à l’affligeant et pitoyable spectacle de la réalité quotidienne : le processus de déréliction complète de nos sociétés occidentales a désormais atteint un niveau qu’il était difficile d’envisager il y a quelques années encore. A tel point que l’atmosphère de fin de cycle annoncée par les apôtres du Kali Yuga se fait de plus en plus prégnante. Pourtant, l’effondrement final du système capitaliste prédit par Marx, l’apocalypse palingénésique qui devra inaugurer pour l’Europe une nouvelle ère de grandeur et de rayonnement par ce que Bernanos a pu appeler « la restauration universelle de l’esprit, par la plus grande révolution de tous les temps. » (Carrefour, 14 septembre 1945) ont été annoncés depuis des décennies. Si d’une certaine manière, on peut se réjouir, ou du moins faire preuve d’une indifférence stoïque vis-à-vis de chaque nouvelle étape d’involution civilisationnelle (reprenant ainsi la position d’Evola dans Chevaucher le Tigre qui démontre l’inanité d’une opposition ─ matérielle ─ à la divine loi cyclique de la décadence), jamais nous ne devons oublier la signification première de notre combat, nous qui, de par notre position de recul, avons une responsabilité historique face aux événements à venir. En effet, le probable effondrement prochain (par « prochain » nous entendons dans les décennies à venir) du monde tel que nous le connaissons et la période indéterminée de chaos qui doit suivre ne pourra aboutir à quelque chose de positif qu’à condition que quelques « îlots spirituels » soient préservés et servent de terreau à une reconstruction saine et pure de la civilisation européenne. Ainsi, ni l’accélération du processus de dégénérescence de nos sociétés, ni les conséquences que ce processus peut avoir sur le nombre de personnes rejoignant la « dissidence » (gardant à l’esprit l’éternelle dialectique qualité/quantité) ne doivent nous faire perdre de vue l’essentiel : le sens profond de notre combat et l’intransigeance avec laquelle nous devons le mener.


Car nous ne battons pas pour un certain système social, économique ou politico-administratif. Nous ne nous battons pas pour moins d’impôts, plus de libertés ou plus de droits. Nous ne nous battons pas pour une meilleure répartition des richesses. Nous ne nous battons pas contre la concussion ou le népotisme de nos élites corrompues et avides. Nous ne nous battons pas contre les abus de pouvoir, le favoritisme ou les pratiques mafieuses de nos gouvernants. Nous ne nous battons pas non plus contre leur vulgarité, leur ignorance crasse ou leurs mœurs douteuses. Nous ne nous battons pas pour réformer la démocratie, lui rendre ses titres de noblesse qui auraient été trahis par des hommes sans scrupules. Nous ne nous battons pas pour un meilleur système représentatif. Nous ne nous battons pas pour ce slogan « liberté, égalité, fraternité ». Nous ne nous battons même pas pour ce drapeau tricolore, ni pour son ancêtre à fleur de lys, encore moins pour la bannière bleue étoilée de ce Léviathan bureaucratique suintant le capitalisme le plus abject qu’est l’Union européenne. Nous ne nous battons pas non plus contre l’impérialisme américain, contre la politique étrangère la plus belliciste de toute l’histoire de l’Humanité ou contre le cancer capitaliste qui étend ses métastases au monde entier depuis cinq-cents ans. Nous ne nous battons pas contre le déferlement de camelotes bon marché fabriquées au fin fond de nulle part par des esclaves modernes, ou de produits OGM qui empoisonnent nos enfants.


Non. Car si chacun de ces combats possède une certaine légitimité, il perd de vue l’essentiel et empêche d’acquérir une vision d’ensemble, hiérarchisée. Parce que finalement tout est question de hiérarchie, et en un sens, toute la déréliction du monde moderne est imputable à l’oubli de cette hiérarchie, voire à son inversion la plus complète. Il est question ici non pas de considérations matérielles et utilitaristes, de réflexions philosophiques sur le type de système politique le plus à même de rendre le plus grand nombre de gens heureux ou encore de luttes pour réformer le système capitaliste ou la démocratie. Non. L’enjeu qui s’est développé parallèlement à l’avènement de la modernité et à son déferlement dans tous les espaces de notre existence est bien plus important. Il touche à ce qu’il y a de plus haut, de plus grand, de plus indépassable. Il touche au sens de la vie elle-même. Il pousse à se questionner continuellement sur l’image de l’Homme qui est véhiculée par le monde moderne. C’est seulement en ayant intégré cette idée que l’on peut comprendre pleinement le sens du combat qui doit être le nôtre au quotidien. Un combat qui doit être mené avec l’intransigeance absolue des âmes pures et certaines de la justesse de leur idéal. Un combat contre la médiocrité rampante, contre la laideur infinie, contre l’avilissement de l’Homme. Un combat qui finalement peut se résumer en un seul mot : la Beauté. Car n’est-il pas de meilleure cause à défendre que l’ineffable beauté de la vie ? Beauté d’une vie saine et dure, sereine et vraie. Beauté d’une véritable liberté au sein d’une société fondée sur une authentique hiérarchie. Beauté de la nature et du monde qui nous entourent. Beauté de nos traditions et de nos cultures, résidus géniaux d’une transmission ininterrompue qui nous relient de manière indéfectible à une chaîne aux origines immémoriales. Beauté de la bravoure, du sacrifice et de l’abnégation. Beauté des actes désintéressés qui jalonnent notre quotidien, beauté de ces rituels qui rythment la vie de l’ensemble des membres d’une société traditionnelle, où la moindre chose acquiert une dimension supérieure, où le moindre geste est propice à établir un pont entre l’Homme et un monde supérieur, à le mettre en contact avec une parcelle d’Absolu.

Alors non, ces considérations ne doivent pas nous pousser à devenir des fous mystiques prêchant dans les rues sur la ruine de la civilisation et tentant de persuader leurs contemporains de la laideur du monde moderne. Elles ne doivent pas non plus nous pousser à fonder des sectes ou à entrer dans une organisation terroriste. Non, chacun doit plutôt continuer à mener son combat comme il l’a toujours fait, selon les modalités qu’il juge les plus adaptées, au regard de ses propres compétences. Cependant, et c’est là l’important, chacun de nous doit toujours garder à l’esprit la réponse à cette question : « Pourquoi est-ce je me bats ? ». Car je le répète il ne s’agit pas d’une lutte pour un parti politique, pour une quelconque idéologie ou même pour une simple nation. Il s’agit du combat ultime, celui duquel dépendent tous les autres, celui qui doit définitivement rompre les clivages politiques classiques et unir en une communauté spirituelle l’ensemble des personnes qui s’en réclament : le grand combat pour la beauté de la vie et une certaine conception de l’Homme. Cette lutte doit bien évidemment acquérir une dimension européenne, et non globale, même si nous devons reconnaître une légitimité aux autres civilisations à aspirer à cette même reviviscence. Notre intransigeance doit avant tout se concentrer sur le véritable ennemi. Celui que certains nomment « Capitalisme », d’autres « Système » ou encore « Empire ». Celui que nous devons combattre, non pas au nom de simples considérations matérielles, mais bien parce qu’il incarne la laideur absolue, la destruction de l’esprit et de tout ce qu’il y a de plus beau. C’est pourquoi il faut rejeter toute critique dite « de gauche » du capitalisme, car même si elles ont pu être pertinentes avant la première guerre mondiale et le redevenir depuis les années 1970, force est de constater que ce système économique a globalement conduit à une amélioration considérable des conditions de vie et qu’encore aujourd’hui un ouvrier vit dans des conditions plus confortables que l’immense majorité des individus au XVIIIe siècle. On ne résout rien en combattant l’ennemi avec des armes issues de son propre univers, ou du moins il faut être conscient que cela ne sera jamais suffisant. C’est aussi pourquoi les critiques du capitalisme adressées par des auteurs qui ont écrit dans des périodes de forte croissance économique sont, selon nous, bien plus dignes d’attention. Nous pensons à Julius Evola, Ernst Jünger ou Maurice Bardèche. Ce dernier déclarait par exemple dans Sparte et les Sudistes :

« Et nous perdons notre vie, notre vie brève et unique, à courir après les fausses images de la vie que nous nous sommes stupidement forgées. Nos journaux sont envahis par nos terreurs et par nos plaintes. Des fantômes qu'on appelle la monnaie, le crédit, l'exportation, peuplent nos nuits. Qui nous dira donc un jour qu'ils ne sont rien ? Si nous gardions les pieds sur la terre, nous saurions que l'essentiel est d'être forts et résolus. »

Ou encore :

« La victoire des Yankees est la victoire d'une certaine morale et avec elle d'une certaine conception de l'homme et de la vie. C'est le rationalisme qui triomphe et, avec lui, les grands principes qu'on proclame et qu'on n'applique pas, et, après eux, c'est le dollar dont le culte s'installe et, avec le dollar, les aciéries et au-delà des aciéries, le fonctionnalisme, et, à l'horizon de tout cela, la société de consommation, la publicité, le conformisme, la monotonie, et les longues, les immenses plaines de l'ennui et de l'absurdité. »

Avant de conclure et pour revenir au cœur de notre sujet, nous souhaitons réaffirmer ce qui est notre conviction et nous a conduits à rédiger cet article : l’idée qu’il est du devoir des esprits conscients de la gravité de la situation et du caractère destructeur et irrémédiable du processus d’involution en cours de tenir bon, et, avec intransigeance et détermination, de contribuer à créer des espaces de beauté dans ce monde, voire même de les conquérir en « pillant » tout ce qui est à notre portée, comme nous l’avait déjà conseillé le grand Dominique Venner. Certes, nous vivons dans une époque bien morne, vide, et absurde, et il serait dérisoire de comparer notre combat à celui des grands héros qui ont fait l’Europe, mais en un sens nous sommes liés par un même serment de fidélité, par ce même combat pour ce qui est beau, et notre devoir le plus absolu est de conserver la flamme. Car si cette flamme survit au déluge, au déferlement matérialiste et à la période de forte incertitude qui suivra l’effondrement à venir, alors personne ne pourra empêcher le retour des Dieux, la renaissance de l’Europe, plus belle et plus grande qu’elle ne l’a jamais été.

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Valérien Cantelmo pour le Cercle Non Conforme.

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