Un autre regard sur un grand succès du cinéma français, le film « Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu ? » (réal. Philippe de Chauveron) et sur l'idéologie du multiculturalisme.
Source : Archange Gabriel
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Un autre regard sur un grand succès du cinéma français, le film « Qu'est ce qu'on a fait au bon Dieu ? » (réal. Philippe de Chauveron) et sur l'idéologie du multiculturalisme.
Source : Archange Gabriel
Le monde occidental actuel semble avoir oublié jusqu'aux grandes lignes les plus évidentes d'une véritable organisation traditionnelle, confondant sous l'effet d'une étrange incompétence les valeurs les plus pures de l'esprit avec les expressions hybrides d'une sentimentalité doucement déviatrice qui s'alimente exclusivement à ce qui est extérieur et profane. Nous entendons par extériorité ce qui se rapporte à l'individu comme tel, centre psychologique d'où s'irradie une activité qui est une véritable aberration par rapport à la vérité ; laquelle est au-dessus et au-delà de l'individu, dans une sphère de pure et radicale intériorité, où l'individualité est entièrement neutralisée et dissoute, comparable à la lumière incolore, alors que l'individu est clignotement, éclair chromatiquement indéterminé.
Il faut maintenant porter notre attention sur un aspect particulier de l'attitude que nous examinons ici, aspect qui peut s'appliquer à un domaine plus large et qui n'est pas nécessairement exceptionnel : le domaine de la vie active, entendu comme celui des œuvres, des activités et des réalisations dont l'individu prend délibérément l'initiative. Il ne s'agit plus ici de la simple expérience vécue, mais de processus ordonnées en vue d'une fin. La conformation de notre type d'homme, telle que nous l'avons décrite, doit aboutir, dans ce domaine, à une orientation dont le monde de la Tradition avait déjà résumé l'essence dans deux maximes fondamentales. La première de ces maximes dit qu'il faut agir sans avoir égard aux fruits, sans tenir pour déterminantes les perspectives de succès ou d'insuccès, de victoire ou de défaite, de gain ou de perte, non plus que celles de plaisir ou de douleur, d'approbation ou de désapprobation d'autrui.
On a appelé aussi cette force d'action, l' « action sans désir », et la dimension supérieure, dont on suppose la présence en soi, s'y affirme dans la capacité d'agir avec une application, non pas moindre, mais au contraire plus grande que celle dont peut faire preuve un type d'homme différent dans les formes ordinaires de l'action conditionnée. On peut encore parler ici de « faire ce qui doit être fait », de façon impersonnelle. La coexistence des deux principes, qui est nécessaire pour cela, apparaît encore plus nettement dans la seconde des deux maximes traditionnelles dont nous venons de parler : « agir sans agir ». C'est une manière paradoxale, extrême-orientale, d'indiquer une forme d'action qui n’entraîne ni ne « meut » le principe supérieur, l' « être » en soi, qui reste pourtant le vrai sujet de l'action, celui à qui elle doit sa force motrice primaire et qui la soutient et la guide du début à la fin.
Examen synthétique des processus de domination idéologique par le langage.
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« "Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? À la fin, nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées [...]. Le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n’y a plus, dès maintenant, c’est certain, d’excuse ou de raison au crime par la pensée. C’est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. [...] Vers 2050, plus tôt probablement, toute connaissance de l’ancienne langue aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron n’existeront plus qu’en versions novlangue. Ils ne seront pas changés simplement en quelque chose de différent, ils seront changés en quelque chose qui sera le contraire de ce qu’ils étaient jusque-là. Même la littérature du Parti changera. Même les slogans changeront. Comment pourrait-il y avoir une devise comme « La liberté c’est l’esclavage » alors que le concept même de la liberté aura été aboli ? [...] En fait, il n’y aura pas de pensée telle que nous la comprenons maintenant. Orthodoxie signifie non-pensant, qui n’a pas besoin de pensée, l’orthodoxie, c’est l’inconscience." »
Georges Orwell ─ 1984, (1949)
Première Partie | Chapitre V
Édition folio, 2011, p. 74-75.
Le Vieux de la Montagne se réveilla : il regarda la plaine et la fièvre de la plaine, parcourant des yeux tours et pinacles, traça sur la terre sèche un signe étrange, et parla ainsi dans la nuit :
Comme une fausse trêve dans une fausse nuit, ainsi dans cette longue agonie séculaire les constructeurs de tours font des nids au vent de leur bêtise : mais à chaque souffle de tourmente nouvelle, les tours s’écroulent. Les tours s’effondrent, ô constructeurs de tours.
Depuis des siècles vous tissez la tromperie, votre tromperie, ô constructeurs de tours ; et les siècles vous dévorent ; au fond des siècles en vérité, dans l’invisible désert qui se déroule parallèlement à votre cheminement corrompu et titubant, il y a l’éternité, constructeurs de tours, ô constructeurs de tours.
Un des signes de l'affaiblissement de la culture actuelle est l'attention qu'on accorde à ce qu'on appelle le mouvement contestataire en général, et, en particulier, comme ne soit pas important, au contraire : mais il ne l'est que factuellement, comme signe des temps, et c'est uniquement en ces termes qu'il devrait être envisagé.
Le « virus » des courants en question est une réaction violente contre les aspects négatifs du monde actuel ; mais ce qui est encore plus caractéristique, c'est qu'il ne s'agit dans tout cela que de manifestations instinctives désordonnées et anarchisantes, qu'on ne justifie en aucune manière en indiquant ce au nom de quoi on nie et on conteste. Même s'il n'était pas évident qu'elle obéit à des influences marxistes ou communistes, le fond « existentiel » de cette jeunesse contestataire n'en serait pas moins suspect. Un de ses dirigeants, Cohn-Bendit, a déclaré que ce pour quoi il lutte, c'est l'avènement d'un « homme-nouveau » : mais on a oublié de dire ce qu'est cet « homme-nouveau », et, si jamais il devait avoir pour modèle l'immense majorité des contestataires actuels dans leur individualité, leur comportement et leurs choix électifs, il n'y aurait qu'à dire : non merci, on s'en passera.
Le besoin de vérité est plus sacré qu'aucun autre. Il n'en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s'est une fois rendu compte de la quantité et de l'énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l'eau d'un puits douteux.
Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s'instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n'a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d'alléguer que les auteurs sont de bonne foi? Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu'ils aient le loisir et se donnent la peine d'éviter l'erreur. Un aiguilleur cause d'un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu'il est de bonne foi.