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Roger Mucchielli : « La subversion »

« Le façonnement artificiel d'une population inhibée et détachée de la politique, grâce aux techniques psychologiques de la subversion ouvre en fait la porte à n'importe quel coup d’État. »

 

programminguu9.gifAttention ! Livre sur le rock et le NPA. Ha ha je plaisante... Quoique. Si le concept de subversion est aujourd'hui galvaudé et tient davantage de la fausse contestation pour narcissiques de tous poils, cela n'a pas toujours été le cas. Dans les années 1970, au cours desquelles ce livre a été écrit, son sens restait entier. Décodage du comment-ça-marche. Histoire de comprendre comment notre système un tant soi peu stable bien qu'imparfait a été pourri de l'intérieur pour dégénérer en Sodome et Gomorrhe.

   Selon Mucchielli (Roger, pas Laurent), l'idée de paix est illusoire. Elle masque une nouvelle forme de conflit : la guerre psychologique. Autrefois auxiliaire de la force, la subversion est désormais devenue l'arme principal du combat politique. Qu'est-ce que la subversion ?

  Une « technique d'affaiblissement du pouvoir et de démoralisation des citoyens. » Plus insidieuse que séditieuse en raison d'une asymétrie des rapports de force, elle agit sur l'opinion par effet de pourrissement. Ses agents noyauteurs pratiquent l'entrisme dans les groupes-clés, l'observation-participation, l'influence. Son efficacité repose sur trois principes manipulatoires concomitants : paraître de bonne foi, parler au nom du bon sens, en appeler toujours à la justice et à la liberté. Une guerre de la com', ni plus ni moins. Son support privilégié est donc bien entendu la propagande noire, qui cherche à tromper l'adversaire sur l'origine ou l'appartenance de l'action de propagande. (1) Les mass media servent de tremplin au triple objectif de la subversion : démoraliser la nation visée et les groupes qui la composent ; discréditer l'autorité, ses défenseurs, ses fonctionnaires, ses notables ; neutraliser les masses pour empêcher toute intervention spontanée générale en faveur de l'ordre établi, au moment choisi pour la prise non-violente du pouvoir par une petite minorité. Par une « panique muette », les membres de la collectivité sont ainsi isolés et désolidarisés : Mucchielli nomme cela la neutralisation active.

   La subversion met en œuvre diverses méthodes de pression au changement, de persuasion et de conversion des esprits. La propagande de recrutement et d'expression se double d'une propagande d'endoctrinement ou d'intégration, destinée à l'uniformisation idéologique. L'agitation, forme moderne de la propagande, a étendu le champ d'action de la subversion, avec l'organisation trinitaire parti / chef / doctrine d'exploitation des mécontentements. L'objectif est de détacher du pouvoir tous ceux qui lui resteraient loyaux.

   Bref, le but de la guerre reste le même, seuls les moyens ont changé. Désormais, il faut s'appuyer sur 1) l'expansion des moyens de communication de masse (mass media), qui atteint à la fois individuellement et simultanément, avec le besoin de savoir qui expose à la suggestion et 2) le développement de la psychologie sociale. En complément, la maîtrise stratégique des logiques de réseaux assure la rapide propagation de l'information – près de quarante ans après l'écriture de ce livre, Internet est passé par là avec ses MSN, Facebook et autres Tweeter.

   La révolution, expose Mucchielli, se fait à présent avec l'accord de un pour mille (rien de bien neuf en fait, à regarder 1789, 1917 ou encore la FED). La minorité active utilise les nouveaux moyens de communication pour créer chez le récepteur apathique la réalité qui sied à la subversion. L'ère de l'image permet d'en appeler à ses tripes et à son irrationalité. Le réel importe peu. Par la manipulation du langage, les subversifs utilisent les mots à forte charge émotionnelle, car les mythes, note Mucchielli, sont davantage mobilisateurs que les réalités objectives. D'où l'invocation fictive – mais galvanisante – du « peuple », l'invention de la notion de « majorité silencieuse » pour s'auto-légitimer, etc., en se proclamant bien entendu (à l'époque) socialiste – comme on se dirait aujourd'hui démocrate-humaniste-partisan des droits de l'homme contre les forces réactionnaires des zeuresléplussombres. Ce dernier point a son utilité : parer de « l'auréole de la justice sociale et de l'authenticité des idéaux révolutionnaires. » Et l'avantage de pouvoir cataloguer tout individu loyal comme réactionnaire pour le pousser à se détacher du pouvoir.

   La subversion, une révolution ? Oui et non. Elle s'en distingue par trois aspects : pas besoin d'une condition objective de la révolte populaire ; la révolution veut un nouveau système, la subversion a pour objectif la destruction pure – elle est négative ; la subversion privilégie la violence verbale, froide, calculée, sur plusieurs années, en temps de « paix ». Mais en fin de compte, elle mène à l'émergence d'un nouveau paradigme, et a donc une portée révolutionnaire. Dans cette optique, la subversion révolutionnaire agit comme un ensemble de techniques au service d'une guerre révolutionnaire. Elle se déroule en deux phases : subversion (longue) et prise de pouvoir (courte). La violence constitue l'un de ses mécanismes opératoires privilégiés, car elle fournit les incidents exploitables et relayés par les mass media. Parmi ceux-ci, les relais issus du gauchisme ont pour leur part contribué à promouvoir l'immoralité et le pourrissement des mœurs (pour reprendre les mots de l'auteur) en présentant les barrières, notamment familiales, comme oppressives / répressives (on pensera aujourd'hui à Libé et aux Inrocks entre autres). Enfin, quand à l'agitation générale – relayée par l'intox de mass media complaisants – succède la répression, les mêmes media sont utilisés pour susciter l'indignation – présentée comme générale – de l'opinion publique et étendre la sympathie à l'égard des subversifs, qui gagnent donc progressivement du terrain. Actualisée, la subversion se trouve bien évidemment au sommet de l’État, avec opérations faux drapeaux, stratégie du choc, néolibéralisme macabre, déconstructivisme, déracinement, diabolisation, toujours la propagande grise ou noire, désinformation.

   Hors du système électoral (ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, bien au contraire), l'agent subversif fait en sorte que toute critique à son égard soit diabolisée. Il exploite les idéaux et valeurs universels par l'indignation permanente. Le moindre fait divers est récupéré s'il sert un des trois buts de la subversion (utilisation psychologique de la répression, par exemple), mais le reste est passé sous silence. Le manichéisme moral, simplificateur, est avantageusement utilisé pour façonner l'opinion. L'inflation sémantique est généralisée – tous des fachos dirions-nous aujourd'hui contre-violence. Si l'ennemi est le mal, expose Mucchielli, la subversion prétend incarner le Bien. Conséquemment, les adversaires de ce Bien sont démoralisés, les individus neutralisés individuellement et les groupes dissociés. L'effet est notamment amplifié par l'absence de contre-propagande. L'appel à la psychologie entraîne le ralliement des belles âmes (des bonnes poires plutôt). L'exemple caractéristique de mai 68 nous est offert : dans la rue, les étudiants n'étaient que 5 à 6 000, pour un total de 140 000 inscrits...

   L'absence de réaction assure l'impunité, et la révolte contamine de ce fait d'autres groupes et individus. Le contenu de l'idéologie développée importe peu, du moment que des réactions en chaîne se créent. Au bout du compte, l'effet d'entraînement crée un auto-engendrement des éléments subversifs, autonomisés de la sphère d'influence première.

   Là encore, les media viennent jouer leur rôle d'idiots utiles en créant de toutes pièces le climat entretenu par la subversion. Qu'ils lui soient ou non favorables, ils lui confèrent davantage d'importance que ce qu'elle représente réellement, obéissant ainsi aux souhaits des agents subversifs... Par exemple, les journaux « neutres » surévaluent l'importance des groupes minoritaires ; les journaux « contre » les entreprises révolutionnaires accréditent les images des agents subversifs.

   Enfin, exposons les techniques d'action de la subversion sur l'opinion publique. Nul ne s'en étonnera, celles-ci impliquent toutes la « culture de l'indignation ».

  1.  L'organisation du discrédit des autorités établies. Le pouvoir est présenté comme oppresseur, illégitime et oligarchique, en oubliant qu'il est issu du suffrage universel (c'était avant le vote électronique, et Mucchielli ne tient pas compte de la fabrication du consentement). Il est vu comme soumis à une puissance étrangère (en même temps hein... je dis ça je dis rien). La subversion façonne l'image du pouvoir policier et de la société répressive, et occulte que sans règles imposées, c'est la loi de la jungle. La subversion organise le discrédit sur le pouvoir par le discrédit sur ses piliers. Elle pratique l'attaque ad hominem, et applique les principes du montage d'une « affaire » dans une optique de subversion ;
  2. L'utilisation des incidents fortuits, des fautes et erreurs de l'ennemi. La moindre erreur ou déclaration est exploitée, après un choix minutieux. Idem pour les droits et règlements, utilisés ou dénoncés en fonction de leur utilité. Enfin, toute contre-offensive est dénoncée comme une manœuvre de propagande ennemie ;
  3. La situation de « tribunal populaire ». Si ce dernier point apparaît désuet, le fait qu'on accorde davantage d'importance à la mise en accusation qu'à la relaxe reste d'actualité – voir Dieudonné.

 

   Au vu de cet exposé, comment, dès lors, lutter contre la subversion ? Mucchielli propose quelques pistes. Le contre-terrorisme, non institutionnel mais plutôt auto-défensif, serait contre-productif. Les contre-terroristes seraient considérés comme mutins, les terroristes comme simples délinquants. Mieux vaudrait donc privilégier des opérations de contre-subversion, afin de remobiliser l'opinion publique et isoler les groupes subversifs de la population. Plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre : retournement de l'arme du ridicule contre l'ennemi ; l'opération-vérité (contre-campagne de dénigrement) ; le contre-appel au peuple (avec amplification par les mass media) ; la contre-information (démontage des mécanismes de l'action subversive) ; la mise sur pied de milices locales politiquement formées et encadrées, dont le succès tient à trois conditions : un fonctionnement comme groupes d'autodéfense institutionnels dans le milieu de vie de leurs membres ; un réseau et des moyens offensifs-défensifs suffisants ; être politiquement formées et moralement fortes. Encore faudrait-il, ce que ne mentionne pas Mucchielli, avoir des patriotes soucieux du Service Public à la tête de l’État, et non une bande de névropathes géomètres cosmopolites.

* * *

   C'est d'ailleurs sur ce point que ce remarquable bouquin semble avoir pris un coup de vieux. Écrit par un militaire, ancien communiste, La subversion est à replacer dans son contexte. Qu'en est-il à notre époque post-moderne / néolibérale / liquide (Bauman) / Mètis (Amorim) ? A l'inverse de ce que note Mucchielli, la subversion n'est pas l’œuvre de groupuscules gauchistes, idiots utiles du mondialisme et alliés objectifs du grand patronat. Si la subversion est le renversement de l'ordre établi, c'est bien à la tête de l’État que nous en trouvons les meilleurs (les pires ?) agents : relativisme intégral, fausse neutralité axiologique, acceptation de toutes les idéologies (tant qu'elles ne remettent pas dangereusement en cause le N.O.M.), effacement du passé, désagrégation de la famille, anti-patriotisme, ingénierie sociale négative... Pour le coup, l'accusation d'un pouvoir oligarchique au service de l’Étranger et anti-démocratique (non au référendum européen de 2005 mais oui quand même, machines électroniques ayant transité par les États-Unis avant les résultats finaux des élections présidentielles de 2007) est manifeste. D'aucuns parleront de complotisme en lisant ces lignes. Il leur suffira donc de se reporter à trois ouvrages récents :

  • Gouverner par le chaos, où toutes les sources livrées sont publiques.
  • Choc et simulacre, présenté par l'ami Drac. Idem.
  • La guerre cognitive, dirigé par Christian Harbulot & Didier Lucas de l’École de guerre économique. Où l'action réelle et subversive des États-Unis et de leurs hommes-liges hexagonaux secouera les plus sceptiques, et leur fera comprendre que ce qu'ils nommeront « complotisme » n'est rien d'autre ici que de la guerre psychologique et économique.

 

   Rien de bien neuf au regard de l'Histoire donc.

 

   Mais un décodage par cet ouvrage de Muchielli nous aidera à ne pas tomber dans le panneau en s'orientant vers de faux combats. La vraie subversion reste aujourd'hui celle des anti-mondialistes contre les barjots mondialistes adeptes de fin de l'humanité, de Rfidage généralisé, de post-humanisme et de nivellement populaire à la Idiocracy.

   Dernière note en complément : Mucchielli est considéré comme l'un des héritiers de l'école de psychologie sociale de Palo Alto, dont les travaux ont été détournés à mauvais escient par le pouvoir oligarchique. Une bonne base pour connaître les mécanismes de manipulation hérités de la découverte de la cybernétique (notion de système ; feed-back (rétroaction) ; information codée) et de la communication et de mieux les décrypter pourrait donc passer par une lecture des quelques ouvrages suivants : L'invention de la réalité (dir. Paul Watzlawick) ; La nature et la pensée et Vers une écologie de l'esprit (deux tomes), de Gregory Bateson ; Communication et société, de Gregory Bateson & Jurgen Ruesch.

 

(1) Mucchielli note que la propagande noire « a pour support psychosocial l'étude des conditions dans lesquelles les défenses précédentes n'existent pas. » La propagande grise, quant à elle, se contente d'interposer un voile d'indétermination quant aux sources. La propagande blanche, enfin, s'avère peu efficace car elle ne convainc que les amis et les hésitants, selon l'auteur.

 

Source : Scriptoblog

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